dimanche 17 novembre 2013

"Les mouettes", ma critique


Jaquette du roman
 Les mouettes * est un roman écrit par Márai en 1942, dans une période où la Hongrie, si elle a bien choisi son camp, celui du fascisme, n'est pas encore entièrement concernée dans le conflit mondial qui fait rage à ses frontières.

*il aurait été plus conforme au titre original de l'intituler "Une mouette", ou "Mouette" tout simplement ; mais on sait bien que le choix d'un titre n'est pas affaire de traduction fidèle mais de marketing

Et cette situation très spéciale est un des ressorts de l'intrigue du roman. Le personnage principal vient de rédiger l'annonce d'une décision étatique majeure dans ce contexte, quand se présente à lui une jeune femme finnoise, qui ressemble à s'y méprendre à celle qu'il a aimée et qui s'est suicidée quelques années plus tôt. En quelques heures va se nouer entre ces deux êtres des relations de curiosité, d'attirance, de confrontation et aussi de joute quasi-professionnelle.

Sándor Márai capte ces deux êtres à un moment où leurs destins individuels se mêlent à l’Histoire avec un grand H.

« Ce n'est sans doute pas un hasard si nos destins se ressemblent également. Le sort des petits peuples ne nécessite pas une puissante imagination : c'est toujours la même fatalité qui leur souffle leurs paroles et leurs actes, et les mêmes forces et les mêmes adversaires qui les poursuivent, de toute éternité... Parce que, lorsque nous arriverons au bout de cette nuit, nous connaîtrons, aussi la guerre qui, je l'ai compris à présent, est une loi générale comme Dieu, l'amour et la mort. Tu voulais dire quelque chose ?... »

Márai y fait preuve une nouvelle fois de ses qualités de chirurgien des âmes, au style toujours aussi fluide, aussi précis et en même temps poétique auquel nous ont accoutumés ses autres romans, style très agréablement rendu par sa traductrice Catherine Fay.

« L'amour... Tu ne te souviens pas ? Tu as retrouvé le calme en toi et autour de toi. Tu t'es déshabitué de jeter de temps à autre un coup d'œil injustifié sur les aiguilles de ta montre-bracelet, de dresser l'oreille à la moindre sonnerie du téléphone, de tourner brusquement la tête en entendant appuyer sur la poignée de la porte, de fouiller d'une main dans le courrier du matin en cherchant parmi les enveloppes les signes de l'écriture familière avec une curiosité et une tension anormales... tout cela est fini désormais. Et maintenant ? N'as-tu pas peur, n'as-tu pas honte d'accueillir à nouveau dans ta vie cette inquiétude confuse et humiliante ? … »

« Supporter encore une fois que ton corps et ton âme soient attachés à quelqu'un, c'est-à-dire prisonniers de quelqu'un, quitter à nouveau la solitude dont la vie et la sagesse ont par bonté revêtu tes épaules comme d'un manteau sombre qui te sépare du monde mais t'en protège aussi, comme l'habit protège le moine... À nouveau, «vivre à fond », c'est-à-dire vivre à moitié puisqu'il te faut tout partager avec un tyran curieux et puéril dont ce n'est même pas la faute s'il est cruel et fou... Qui est cette femme, à part que c'est « elle » et qu'elle est revenue ? »



Jaquette de l'édition hongroise
Conçu et structuré comme une pièce de théâtre en trois actes,  obéissant à la règle des trois unités, de temps (un jour et une nuit d’hiver), de lieu (Budapest que l’on sent tout engourdie) et  d’action (ou plutôt d’attente d’action), le roman est comme toujours chez Márai riche de ces monologues entrecroisés où les protagonistes se défient en douceur. Il nous entraîne aussi dans les multiples pensées de son auteur, ici représenté par ce haut fonctionnaire (‘héros’ qui n’est jamais nommé, comme dans plusieurs autres romans de Márai), réflexions sur la guerre, le vieillissement (qui à cette époque-là est une obsession constante de Márai) le destin, la vie, l’amour, la mort, réflexions parfois un peu bavardes, mais toujours captivantes. Et qui nous tiennent en haleine dans  l’attente du dénouement.
 
Peut-être pas une des œuvres majeures de Márai, mais qui, replacé à l'époque de son écriture, nous éclaire sur des aspects de la pensée de l'auteur, en particulier sur l'histoire,  encore peu développés dans ses autres œuvres; 

mercredi 6 novembre 2013

"Les mouettes" aujourd'hui en librairie


Le dernier roman traduit en français (il en reste encore quelques uns à découvrir, si Albin Michel poursuit dans ses efforts d'édition en français de l'œuvre de Márai) sort aujourd'hui en librairie.
 
Les mouettes (titre sous lequel il est publié ; il aurait été plus conforme au titre original de l'intituler "Une mouette", ou "Mouette" tout simplement ; mais on sait bien que le choix d'un titre n'est pas affaire de traduction fidèle mais de marketing) est un roman écrit en 1942-1943, dans une période où la Hongrie, si elle a bien choisi son camp, celui du fascisme,  n'a pas encore posé d'acte majeur dans le conflit mondial qui fait rage à ses frontières.

Et cette situation très spéciale est un des ressorts de l'intrigue du roman. Le personnage principal vient de rédiger l'annonce d'une décision étatique majeure dans ce contexte, quand se présente à lui une femme, qui ressemble à s'y méprendre à celle qu'il a aimée et qui s'est suicidée quelques années plutôt. En quelques heures va se nouer entre ces deux êtres des relations de curiosité, d'attirance, de confrontation et de joute quasi-professionnelle. Sándor Márai y fait preuve une nouvelle fois de ses qualités de chirurgien des âmes, au style toujours aussi fluide, aussi précis et en même temps poétique auquel nous ont accoutumés ses autres romans et très agréablement rendu par sa traductrice Catherine Fay.
 Conçu et structuré comme une pièce de théâtre en trois actes, obéissant à la règle des trois unités de temps (un jour et une nuit d’hiver), de lieu (Budapest) et d’action, le roman nous entraîne dans les multiples pensées de son auteur, ici représenté par ce haut fonctionnaire (qui n’est jamais nommé, comme dans plusieurs autres romans de Márai), réflexions sur la guerre, le vieillissement (qui à cette époque-là est une obsession constante de Márai) le destin, la vie, l’amour, la mort, réflexions parfois un peu bavardes, mais toujours captivantes.
 
Suite de cette critique dans les prochains jours.