mardi 20 août 2013

Patrouille à Kassa

Je reprends le titre d'une œuvre de Márai "Kassai őrjárat" (que je n'ai encore malheureusement pas pu lire, car il n'en existe pas de traduction dans une langue que je connaisse) pour relater ma recherche de souvenirs de l'écrivain dans sa ville natale, comme le proposait le site  hlo.hu. (voir article du 6/7/2013 

Entre deux rencontres que l'évocation de Márai ont bien facilitées (Merci Hélène, merci Eszter), j’ai laissé mon vagabondage nourrir mon imagination. Sans suivre exactement l’itinéraire que suggérait hlo.lu, j’ai croisé dans ces lieux avec le souvenir que j’avais de mes lectures de Sándor Márai.
Mais pour une lecture plus facile, je vais reprendre l’ordre suggéré par hlo.lu en y ajoutant quelques variantes.
pour lire la suite, cliquer ci-dessous sur "Plus d'infos".


 
 
Maitre M.S. - Visitation
(Musée national)
Cathédrale Ste Elisabeth
Je suis donc entré dans cette magnifique cathédrale gothique de Sainte Elisabeth (de Hongrie, bien sûr, pas celle de la Visitation, pas celle du merveilleux tableau du Maître au monogramme M. S. – eh oui, comme Márai Sándor - exposé au Musée national de Budapest ; excusez cette digression, mais je suis fasciné par ce tableau depuis que j’ai eu la grande chance de le contempler à ma première visite de ce musée !), je suis donc entré avec recueillement dans cette église que S. M. a évoquée plusieurs fois dans son œuvre et en particulier dans « Eg és Föld » : Et un jour nous commençons à envier les vieux, les vieillards, les vieilles femmes rabougries, qui – à Florence, Chartres, Paris ou Kassa – viennent dans la semi-obscurité de la cathédrale pour prier, y faire un roupillon ou aussi simplement se perdre dans leurs souvenirs et n’ont aucune idée des chefs d’œuvre devant lesquels ils s’agenouillent. C’est pour eux que la cathédrale a été bâtie. Leur naïveté est le véritable sens d’une cathédrale. (voir article du 22/11/2011)  

J’y ai admiré les fines ciselures gothiques, l’imposant retable et la Vierge de majesté qui trône au centre de la nef. Et puis j’y suis retourné le lendemain, c’était dimanche, et y ai assisté à une messe en hongrois.

Et j’ai imaginé la famille Grosschmid, écoutant eux aussi une homélie en hongrois (Vatican II n’avait évidemment pas encore remplacé le reste de l’ordinaire de la messe par la langue locale !) Ce n’était pas tous les dimanches que Sándor accompagnait sa famille, car quand il n’était pas en pension à Eperjes (aujourd'hui Presov, à une trentaine de km au nord de Kassa) où à Budapest, ce devait plutôt être à l’église des Prémontrés qu’il assistait à l’office.

 

1) la maison natale

Maison natale
Bocná 2

Une grande bâtisse sans attrait (elle aurait plusieurs fois été reconstruite). L’atelier de menuiserie qui donnait sur la cour et dont S.M. parle dans Confessions d’un bourgeois a depuis longtemps disparu (on en voit quelques photos au petit musée mémorial de la rue Mäsiarska dont je parlerai plus tard). Et pas une plaque pour indiquer que c’est là où est né le plus illustre des « enfants de la ville » et où il a vécu son enfance !
 

A propos de cette maison, S.M. raconte dans Ėg és föld (Terre et ciel) comment lors d’un de ces voyages à Kassa pendant la guerre, il vit sur une fenêtre une affiche manuscrite « Appartement à louer » et qu'il la revisita (je publierai prochainement ce texte sur ce blog).
 


Lycée des prémontrés
Kovácska 25
2) l’école des prémontrés
Imposant bâtiment. Là, il y a bien une plaque, mais en s’approchant on voit qu’il s’agit de quelqu’un d’autre ! A ce propos, sur le site hlo.hu, le rédacteur signale une fin de scolarité à Eperjes (aujourd'hui Presov, à une trentaine de km au nord de Kassa), sans parler de l’année passée à Budapest particulièrement pénible dans le souvenir de Márai.
 

Štátne Divadlo
 
 2a) le grand théâtre (théâtre national)
 
Etape que j’ajoute, car il joue un rôle non négligeable dans « Les révoltés ». On rêve à la richesse qu’a du avoir Kassa au tournant du XXème siècle, pour s’offrir un tel théâtre.
 
  
3) et 4) Lola et ses parents
On dit (brochure distribuée par l’office de tourisme) que c’est lors d’un concours de dégustation de glaces que Márai aurait connu Ilona Matzer (« Lola », qu’il désigne par L. dans son journal). L’épisode du balcon relaté par un neveu de Márai, n’est pas du tout avéré. En tout cas c’est à Berlin que quelques années plus tard cette idylle devait prendre la tournure d’un attachement définitif entre les deux jeunes gens (voir Confessions d'un bourgeois, p.407 et suivantes).

Ce n’est pas de la maison Maléter, bel immeuble cossu du 25 de la rue Mlynská, que partirent les parents de Lola en 1944 pour Auschwitz, puisqu’ils avaient d’abord été regroupés avec 15.000 autres juifs dans le ghetto. (« X. –le père de Lola- est depuis une semaine dans le ghetto de Kassa… », puis « X. a été déporté en Pologne . » note Márai dans son journal en mai – juin 1944)

Nota : Laszlo Csatari, qui était accusé d’avoir été l’organisateur de la déportation des juifs de Kassa, et devait passer en jugement le 26 septembre, vient de mourir à Budapest.


5) l’hôtel Europa
L'ex hôtel Europa
Mlynská 29
Je n’ai pas encore pu lire « Patrouille à Kassa », qu’évoque le texte de hlo.lu, mais dans  Ėg és föld (Terre et ciel) Sándor Márai parle d’un autre voyage à Kassa par le train dans ces années où Kassa était revenu à la Hongrie par la grâce d’Hitler. Est-ce pendant ce dernier qu’il séjourna à l’hôtel Europa ?
Un jour je suis pourtant allé à Kassa, avec l’express, comme on va à Szeged ou Makó*Complètement seul, j’étais à Kassa. Dans une cave j’ai bu du vin, puis je suis rentré à l’hôtel, j’ai baillé et ai sombré dans le sommeil. Alors j’ai vu, en rêve, pour un instant, des larmes dans les yeux, Kassa, la vraie, l’exacte – mais seulement pour un court instant. * petite ville proche de Szeged
 
(Terre et ciel d’après la traduction en allemand d’Ernö Zeltner)
[voir l'intégralité de ce texte dans l'article du 10/09/2013]
 
 
5a) la banque de Géza Goldschmid
Géza Goldschmid, le père de S.M., était fondé de pouvoir d’une banque située au tout début de Hlavna (Fö utca). Sur une photographie (que je n’ai malheureusement pas pu retrouver) on peut voir le régent Horthy, nouvel Arpad, parader sur son cheval blanc devant la façade de ce beau bâtiment qui a depuis été remplacé par une affreuse construction.
 
6) le petit musée mémorial, rue Mäsiarska

Plaque commémorative
Mäsiarska 35

D’après certains documents, il fallait prendre rendez-vous pour visiter ce musée, je demandais donc à l’office du tourisme comment faire. On m’a alors indiqué que cet été il était ouvert tous les jours jusqu’à 15h. Je me précipitai rue Mäsiarska (il était 14h15) où après avoir découvert l’entrée (ça n’était pas si évident) je fus reçu par une guide fort aimable, parlant un anglais très correct et connaissant bien les trois pièces constituant le musée.

Installé grâce au propriétaire actuel au rez-de-chaussée de la demeure des Grosschmids à partir de 1913 ou 1915, jusqu’au déménagement à Miskolc, en 1932 je crois, c’est essentiellement la compilation de photographies et de textes et une collection de diverses éditions des œuvres de S.M. qui semble d'ailleurs ne jamais y avoir vécu.
 
En fait d’« affaires personnelles », il n’y a guère qu’un bureau  sur lequel est ouvert son passeport  et sont étalées quelques éditions modernes de ses œuvres.



7) la statue de Sándor Márai
 
Je me suis assis dans la chaise vide en face de la statue de Márai, mais je dois avouer ne pas avoir ressenti grand-chose. Était-ce parce que je ne le trouvais pas très ressemblant (par rapport aux photos que je connais de lui évidemment), ou bien étais-je déçu et un peu en colère du peu de cas que l’on fait de lui dans sa ville natale alors qu’elle est cette année Capitale Européenne de la Culture.
 
7a) le théatre Thalia - Studio Márai
En compulsant justement en début d'année,j’avais été étonné de ne trouver que très peu de chose concernant Márai (en mai un marathon de lecture sur 24h)* et en particulier l’absence de représentation de A Kassai Polgarok (Les Bourgeois de Kassa) qui, rien que par son titre, réfère à deux éléments essentiels pour S.M. : sa ville natale et son statut revendiqué de citoyen-bourgeois. Passant devant le Thalia - Studio Márai je regardais distraitement l’affiche-annonce de la saison 2013-2014 et eus la surprise de constater que le Thalia allait, certes tardivement (mais mieux vaut tard que jamais), réparer ce manque en programmant la pièce en avril 2014 !
Pour voir le programme :
http://www.thaliaszinhaz.sk/new/index.php?option=com_content&view=article&id=126%3Aa-2013-2014-szinhazi-evad-elzetes&catid=34%3Acimlap&lang=sk
 
* depuis j'ai repéré un évènement d'une journée, le 1er octobre, dont le contenu est très énigmatique (et dont les jeunes filles du bureau de tourisme ont été incapables de retrouver la trace, alors qu'après recherche cet "évènement" figure dans le programme complet des manifestations de l'année, mais dans la catégorie "Dance" !)

8) le Kávy sveta

Les serveuses ont été surprises quand j’ai demandé s’ils avaient le vin favori de Márai (savaient-elles même vraiment de qui il s'agissait ?) Et après quelques conciliabules l’une d’elles m’a amené une bouteille de Somlói juhfark 2011. Alors je me suis installé à la table dont le mur porte le portrait de S.M. et j’ai dégusté cet excellent vin en regardant de temps à autre cette effigie. Décidément mon imagination me faisait défaut, car je ne ressentais rien d’autre que ce qu’aurait ressenti un touriste buvant un verre de bon vin dans cet aimable établissement. Je m’interrogeais aussi sur ce portrait (peint d’après une photo que je connais bien, où il est assis sur un balcon, vraisemblablement celui de l’appartement de la Miko utca), portrait sur lequel S.M. est bien sûr trop vieux pour être celui qui vivait à Kassa jusqu’en 1919 et parait trop jeune pour être celui qui y fit quelques courts voyages pendant la guerre. Peut-être n’aurait-il pas fallu d’image pour que mon esprit entre un peu en communion, par le vin !
 
Après coup, rassemblant mes très faibles connaissances de hongrois, un dictionnaire et un traducteur automatique, j’ai tenté de traduire le texte qui accompagne le portrait sur le mur.
Et voici ce que cela donne (que mes amis hongrois veuillent bien me pardonner et surtout me proposer leur propre traduction !)
 
Este nyolckor születtem, fújt a szél.
Kassát szerettem és a verseket
A nőket, a bort, a becsületet
S az értelmet, mely a szívhez beszél.
Mást nem szerettem. Minden más titok.
Nem könyörgök, s ne irgalmazzatok.
 
Je suis né le soir à neuf heures, le vent soufflait.
Kassa j’aimais et la poésie,
Les femmes, le vin, l’honneur
Et la raison : profondément au cœur elle parle.
Rien d’autre je n’aimais. Tout le reste est secret.
Je ne supplie pas, et vous ne faites pas grâce.

 

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