lundi 16 décembre 2013

Bach


Il a eu vingt enfants, il était cantor et organiste à Weimar, Coethen et Leipzig, il était miséreux ; au milieu de vingt enfants, il a écrit ses messes, ses concertos, ses suites, comme nous, nous torchons rapidement un article, bavardage sans valeur, pour la feuille du dimanche.
Il écrivait comme les arbres respirent, comme la forêt en même temps parle et se tait, il écrivait comme le bon Dieu, quand il n’y avait encore ni terre, ni ciel, seulement la mélodie, l’harmonie, en état d’apesanteur et insaisissable. Il écrivait au milieu de vingt enfants, miséreux, était Cantor et n’avait pas d’habit du dimanche... Silence, silence. Maintenant Bach a la parole. Ecoute-le.
 
Extrait de "Ciel et terre"

dimanche 17 novembre 2013

"Les mouettes", ma critique


Jaquette du roman
 Les mouettes * est un roman écrit par Márai en 1942, dans une période où la Hongrie, si elle a bien choisi son camp, celui du fascisme, n'est pas encore entièrement concernée dans le conflit mondial qui fait rage à ses frontières.

*il aurait été plus conforme au titre original de l'intituler "Une mouette", ou "Mouette" tout simplement ; mais on sait bien que le choix d'un titre n'est pas affaire de traduction fidèle mais de marketing

Et cette situation très spéciale est un des ressorts de l'intrigue du roman. Le personnage principal vient de rédiger l'annonce d'une décision étatique majeure dans ce contexte, quand se présente à lui une jeune femme finnoise, qui ressemble à s'y méprendre à celle qu'il a aimée et qui s'est suicidée quelques années plus tôt. En quelques heures va se nouer entre ces deux êtres des relations de curiosité, d'attirance, de confrontation et aussi de joute quasi-professionnelle.

Sándor Márai capte ces deux êtres à un moment où leurs destins individuels se mêlent à l’Histoire avec un grand H.

« Ce n'est sans doute pas un hasard si nos destins se ressemblent également. Le sort des petits peuples ne nécessite pas une puissante imagination : c'est toujours la même fatalité qui leur souffle leurs paroles et leurs actes, et les mêmes forces et les mêmes adversaires qui les poursuivent, de toute éternité... Parce que, lorsque nous arriverons au bout de cette nuit, nous connaîtrons, aussi la guerre qui, je l'ai compris à présent, est une loi générale comme Dieu, l'amour et la mort. Tu voulais dire quelque chose ?... »

Márai y fait preuve une nouvelle fois de ses qualités de chirurgien des âmes, au style toujours aussi fluide, aussi précis et en même temps poétique auquel nous ont accoutumés ses autres romans, style très agréablement rendu par sa traductrice Catherine Fay.

« L'amour... Tu ne te souviens pas ? Tu as retrouvé le calme en toi et autour de toi. Tu t'es déshabitué de jeter de temps à autre un coup d'œil injustifié sur les aiguilles de ta montre-bracelet, de dresser l'oreille à la moindre sonnerie du téléphone, de tourner brusquement la tête en entendant appuyer sur la poignée de la porte, de fouiller d'une main dans le courrier du matin en cherchant parmi les enveloppes les signes de l'écriture familière avec une curiosité et une tension anormales... tout cela est fini désormais. Et maintenant ? N'as-tu pas peur, n'as-tu pas honte d'accueillir à nouveau dans ta vie cette inquiétude confuse et humiliante ? … »

« Supporter encore une fois que ton corps et ton âme soient attachés à quelqu'un, c'est-à-dire prisonniers de quelqu'un, quitter à nouveau la solitude dont la vie et la sagesse ont par bonté revêtu tes épaules comme d'un manteau sombre qui te sépare du monde mais t'en protège aussi, comme l'habit protège le moine... À nouveau, «vivre à fond », c'est-à-dire vivre à moitié puisqu'il te faut tout partager avec un tyran curieux et puéril dont ce n'est même pas la faute s'il est cruel et fou... Qui est cette femme, à part que c'est « elle » et qu'elle est revenue ? »



Jaquette de l'édition hongroise
Conçu et structuré comme une pièce de théâtre en trois actes,  obéissant à la règle des trois unités, de temps (un jour et une nuit d’hiver), de lieu (Budapest que l’on sent tout engourdie) et  d’action (ou plutôt d’attente d’action), le roman est comme toujours chez Márai riche de ces monologues entrecroisés où les protagonistes se défient en douceur. Il nous entraîne aussi dans les multiples pensées de son auteur, ici représenté par ce haut fonctionnaire (‘héros’ qui n’est jamais nommé, comme dans plusieurs autres romans de Márai), réflexions sur la guerre, le vieillissement (qui à cette époque-là est une obsession constante de Márai) le destin, la vie, l’amour, la mort, réflexions parfois un peu bavardes, mais toujours captivantes. Et qui nous tiennent en haleine dans  l’attente du dénouement.
 
Peut-être pas une des œuvres majeures de Márai, mais qui, replacé à l'époque de son écriture, nous éclaire sur des aspects de la pensée de l'auteur, en particulier sur l'histoire,  encore peu développés dans ses autres œuvres; 

mercredi 6 novembre 2013

"Les mouettes" aujourd'hui en librairie


Le dernier roman traduit en français (il en reste encore quelques uns à découvrir, si Albin Michel poursuit dans ses efforts d'édition en français de l'œuvre de Márai) sort aujourd'hui en librairie.
 
Les mouettes (titre sous lequel il est publié ; il aurait été plus conforme au titre original de l'intituler "Une mouette", ou "Mouette" tout simplement ; mais on sait bien que le choix d'un titre n'est pas affaire de traduction fidèle mais de marketing) est un roman écrit en 1942-1943, dans une période où la Hongrie, si elle a bien choisi son camp, celui du fascisme,  n'a pas encore posé d'acte majeur dans le conflit mondial qui fait rage à ses frontières.

Et cette situation très spéciale est un des ressorts de l'intrigue du roman. Le personnage principal vient de rédiger l'annonce d'une décision étatique majeure dans ce contexte, quand se présente à lui une femme, qui ressemble à s'y méprendre à celle qu'il a aimée et qui s'est suicidée quelques années plutôt. En quelques heures va se nouer entre ces deux êtres des relations de curiosité, d'attirance, de confrontation et de joute quasi-professionnelle. Sándor Márai y fait preuve une nouvelle fois de ses qualités de chirurgien des âmes, au style toujours aussi fluide, aussi précis et en même temps poétique auquel nous ont accoutumés ses autres romans et très agréablement rendu par sa traductrice Catherine Fay.
 Conçu et structuré comme une pièce de théâtre en trois actes, obéissant à la règle des trois unités de temps (un jour et une nuit d’hiver), de lieu (Budapest) et d’action, le roman nous entraîne dans les multiples pensées de son auteur, ici représenté par ce haut fonctionnaire (qui n’est jamais nommé, comme dans plusieurs autres romans de Márai), réflexions sur la guerre, le vieillissement (qui à cette époque-là est une obsession constante de Márai) le destin, la vie, l’amour, la mort, réflexions parfois un peu bavardes, mais toujours captivantes.
 
Suite de cette critique dans les prochains jours.

lundi 28 octobre 2013

"La sœur" a reçu le Prix Jean Bernard 2012

L'Académie Nationale de Médecine a décerné à "La sœur" de Sándor Márai le Prix Jean Bernard 2012 (en l'honneur du Professeur Jean Bernard, grand hématologue et écrivain, académicien français).
Ce prix annuel est destiné à  honorer une œuvre littéraire sur la médecine.
Il a été remis à la traductrice du roman, Madame Catherine Fay.
 
La sœur, paru chez Albin Michel en  2011, est récemment paru en livre de poche.

jeudi 17 octobre 2013

"Les mouettes" en librairie, le 7 novembre

Présentation par Albin Michel, son éditeur

LES MOUETTES
Sándor MÁRAI
Traduit du hongrois par Catherine Fay
Collection « Grandes Traductions »
En librairie le 7 novembre 2013

LE LIVRE
« Pendant des dizaines d’années, j’ai traversé ce pont deux fois par jour et c’est la première  fois que je prête attention aux mouettes, songe-t-il. Je les regarde avec les yeux de cette  femme. Elle a les mêmes yeux gris vert que l’autre… des yeux d’oiseau ou d’animal. »
Lorsqu’il accueille dans son bureau du ministère la réfugiée finlandaise venue demander un  permis de séjour et de travail, le haut fonctionnaire est saisi : il croit reconnaître une jeune  fille jadis aimée et qui s’est donné la mort cinq ans plus tôt par amour pour un autre. Simple  hasard ou signe du destin ? Qui est cette « mouette » venue de si loin et qui prétend se  nommer Aino Laine, « vague unique » en finnois ?
Cette rencontre énigmatique, dont la tension est accrue par l’imminence de la guerre et  l’attente d’un coup de téléphone, crucial pour l’homme comme pour le sort du pays, pourrait  déboucher sur une révélation, à moins qu’elle ne fasse qu’épaissir le mystère des êtres.  Comme dans Les Braises, écrit un an plus tôt, ou Divorce à Buda, ce roman où s’exprime la  subtilité du grand écrivain hongrois confronte un homme et une femme à leur passé dans un  de ces face à face somnambuliques et prenants dont Márai a le secret.

dimanche 13 octobre 2013

Appartement à louer

(Kiadó lakás)
extrait de Ciel et terre, d'après la traduction allemande d'Ernö Zeltner

Je passe devant notre maison de Kassa et je vois à une fenêtre du rez-de-chaussée l’avis manuscrit « Appartement à louer ». Le concierge me conduit au premier étage, il a toutes les clés. Oui, dit-il, l’appartement est vide, il est à louer, et il ouvre la porte sur la grande salle à manger.
Quand nous en étions partis, la maison où j’avais passé mon enfance avait été vendue aux enchères et un ramoneur avait emménagé dans l’habitation. Lui-même se servait des pièces du bâtiment sur le jardin et désirait louer les beaux locaux d’habitation. Sans un mot je regardais autour. Ici c’était la salle à manger, la partie la plus haute, avec des colonnes et des arcs, d’où un escalier conduisait dans la grande salle basse marron, où se trouvait le poêle de faïence. De là on pénétrait dans la pièce sombre, la chambre à coucher du père, cette grotte secrète, un genre de caverne de chef indien avec des dessins de buffles sur les murs, puis la grande pièce sur la rue avec les murs à arcades, le beau sol et les niches noblement arquées dans le mur pour la bibliothèque. Tout cela est maintenant vide et serait à louer. Je regardais intéressé autour de moi, le chapeau et les gants dans la main gauche, et posais quelques questions factuelles au concierge.
pour lire la suite cliquer sur

samedi 5 octobre 2013

Un nouveau roman de Márai traduit en français

A paraitre en novembre, chez Albin-Michel
Les mouettes
traduction de Catherine Fay

Un roman qui dans le temps (1943) se situe entre "Les Braises", le livre qui a donné à Sándor Márai sa notoriété en France et un autre chef d'œuvre "La sœur" dont la traduction est parue il y a deux ans.
 
On y retrouve l'art de la conversation, envisagée presque comme un combat, qu'affectionne Márai. Deux êtres étrangement liés par une ressemblance se (re)trouvent dans un Budapest à côté de la guerre. Un Budapest tout de même englué dans le conflit mondial, dans lequel chacun des deux est impliqué d'une certaine manière.
 
Ambiance hivernale, glaciale, nocturne. Un roman en noir et blanc où Márai fait une fois encore preuve de son grand talent pour décortiquer les ressorts intimes des hommes et des femmes.

mardi 10 septembre 2013

Un jour à Kassa

(Egy nap Kassán)
extrait de Ciel et terre, d'après la traduction allemande d'Ernö Zeltner

Maison de l'enfance de S. M.
à Kassa**

Un jour je suis pourtant allé à Kassa, avec l’express, comme on va à Szeged ou à Makó, sans excitation particulière ni émotion intérieure : en route j’ai lu le « Journal » de Green et m’y suis absorbé ; ce que je lisais m’intéressait plus que le trajet ; le train s’est arrêté et je suis descendu à Kassa sans passeport ni visa*, j’ai traversé le petit bosquet entre la gare et la ville et me suis trouvé une chambre d’hôtel, j’ai flâné dans les rues, j’ai regardé les anciennes et les nouvelles maisons, je suis allé à l’immeuble où nous avons vécu pendant une période, et sous la voûte sombre qui relie l’entrée avec la cour volaient des chauve-souris, au premier étage de la maison je suis resté devant la fenêtre, c’est ici que sont nés mes frères et ma sœur, j’ai pris l’escalier que mon père descendait tous les jours pendant quarante ans, le cigare à la main, bien nourri, gai et solennel,
Musée Márai à Kassa****
  je suis allé alors à l’autre maison dont l’entrée est toujours
  surmontée de nos armoiries (photo de gauche) ;
je suis allé à l’auberge, où on ne me connaissait pas, observé
la montagne où, une fois, en hiver, un chat sauvage s’était  caché dans la chapelle et où, quand la guerre*** éclata, nous vivions dans une vieille maison de campagne ; le soir je suis passé dans la rue des filles légères le long des fenêtres éclairées et j’ai dévisagé les prostituées rêvassantes qui tristes et indifférentes se reposaient dans cette marseillaise indolence et insouciance derrière les vitres illuminées des devantures, à la fin de la rue j’ai trouvé la plaque de la sage femme dont le fils était avec moi au lycée – il s’appelait Gurka – et, vers minuit je me suis arrêté devant l’église des Dominicains, au clair de lune sur la place pavée de pierres blanches, qui dans son éclat argenté faisait penser tout à fait à l’Espagne, rappelait des exécutions et le Moyen-Âge, et je pensais : « Tout est à sa place. Très beau, très juste. »

Peut-être aussi, seulement la cathédrale, l’ancienne avec sa beauté hautaine, inspirant la crainte, avec la puissante tension de ses arcs et voûtes, des colonnes et pointes, était … Complètement seul, j’étais à Kassa. Dans une cave j’ai bu du vin, puis je suis rentré à l’hôtel, j’ai baillé et ai sombré dans le sommeil. Alors j’ai vu, en rêve, pour un instant, des larmes dans les yeux, Kassa, la vraie, l’exacte – mais seulement pour un court instant.
 
* sans passeport ni visa : Kassa avait été tchécoslovaque de 1919 à 1938 et les hongrois qui voulaient s’y rendre devaient alors obtenir un visa
** photo exposée au Musée mémorial Márai (voir note suivante)
*** il s'agit bien sûr de la première guerre mondiale
**** maison où les parents Grosschmids (patronyme de Sándor Márai) ont vécu de 1913 jusqu'à leur expatriation et où est aujourd'hui installé un petit musée mémorial
 

mardi 20 août 2013

Patrouille à Kassa

Je reprends le titre d'une œuvre de Márai "Kassai őrjárat" (que je n'ai encore malheureusement pas pu lire, car il n'en existe pas de traduction dans une langue que je connaisse) pour relater ma recherche de souvenirs de l'écrivain dans sa ville natale, comme le proposait le site  hlo.hu. (voir article du 6/7/2013 

Entre deux rencontres que l'évocation de Márai ont bien facilitées (Merci Hélène, merci Eszter), j’ai laissé mon vagabondage nourrir mon imagination. Sans suivre exactement l’itinéraire que suggérait hlo.lu, j’ai croisé dans ces lieux avec le souvenir que j’avais de mes lectures de Sándor Márai.
Mais pour une lecture plus facile, je vais reprendre l’ordre suggéré par hlo.lu en y ajoutant quelques variantes.
pour lire la suite, cliquer ci-dessous sur "Plus d'infos".


lundi 12 août 2013

Sensation littéraire : un inédit de Márai

Vient de paraître en Hongrie, chez Helikon l'éditeur de Márai, un inédit : Hallgatni akartam, c'est-à-dire Je voulais (ou j'ai voulu) me taire. La correspondante hongroise qui m'a signalé cette parution, me fait remarquer qu'hallgatni' peut aussi signifier 'écouter'. Délices de nos langues polysèmes !

 Ce livre, d'après Márai lui même, est une continuation des Confessions d'un bourgeois pour la période qui commence à l'Anschluss (l'occupation-annexion de l'Autriche par Hitler en 1938).
 
« Il faut encore que j’écrive un troisième tome* qui termine Confessions d’un bourgeois. Dans ces nuits sans sommeil je pense à la rédaction de ce livre », écrit-il dans son journal en 1944**.

 C'est ce projet qu'il concrétisera en 1949 - 1950, mais dont le manuscrit était resté négligé jusqu'à maintenant, et qui fait l'objet d'une parution aujourd'hui.
 
* "Les confessions d'un bourgeois" (1934) comporte deux "tomes"
** d'après mon édition allemande du journal 1943-1944 ("Literat und Europäer", Piper-Verlag, traduction de Akos Doma) c'est en septembre 1944 qu'il écrivait ces lignes, poursuivant :
"Il n'est que rarement donné à un écrivain de vivre, dans la réalité même, un grand thème qui le touche au plus profond de lui-même, de le suivre jusqu'au bout. J'ai vu, connu la bourgeoisie hongroise  dans tous ses aspects,  jusqu'aux racines, la classe dans laquelle je suis né ; et aujourd'hui je suis le témoin de sa désintégration absolue. La description de ce processus de désintégration, c’est peut-être la seule véritable mission d’écrivain de ma vie. La description du processus de décomposition des vingt-cinq dernières années. Les filtres subtils par lesquels tout véritable talent a été tamisé de manière officielle ou non officielle. L’art et la manière par lesquels toute personnalité compétitive était mâtée, effarouchée, domestiquée. Comment on avait commencé à se livrer au jeu des insignes, au jeu des tables d’habitués, au jeu des conceptions du monde. Et comment tout ça avait débouché sur du banditisme et sur le déclin absolu."

samedi 6 juillet 2013

Sur les pas de Márai à Košice – Kassa

Le site hlo.hu a publié une invitation à suivre les pas de Márai dans sa ville natale de Kassa devenue aujourd'hui Košice, capitale européenne de la culture en 2013.  En voici une traduction (le texte disponible sur http://www.hlo.hu/news/marai_in_kassa est en anglais).
 
Suivez les pas de Márai dans sa ville natale ! Une promenade dans Košice/Kassa, capitale européenne de la culture en 2013, en mémoire du plus connu de ses enfants dans le monde.
Cette année la ville slovaque de Košice – Kassa en hongrois, Kaschau en allemand - est « Capitale Européenne de la Culture » (avec Marseille). Plusieurs événements sont consacrés à Sándor Márai, certainement la plus connue au monde des personnalités nées dans cette ville. Bien que Márai fut un globe-trotter et qu’adulte il ne revint dans sa ville natale que pour des vacances, la ville joue un rôle si important dans ses œuvres que lors de sa visite à Košice, Otto de Habsbourg disait qu’il connaissait parfaitement la ville grâce aux livres de Márai (Košice appartenait à la Hongrie en 1900 quand Márai y naquit, devint partie de la Tchécoslovaquie après la première guerre mondiale, fut temporairement recédée à la Hongrie en 1938, puis revint à la Tchécoslovaquie après la deuxième guerre mondiale, puis à la Slovaquie après la scission d'avec la République Tchèque).
Nous vous invitons à vous balader dans les endroits où Márai se promenait enfant, puis jeune amoureux et jeune écrivain, puis à déguster le vin préféré de l’écrivain.
Pour suivre cette ballade, cliquez ci-dessous sur 'Plus d'infos'.

mercredi 26 juin 2013

Košice - Kassa rend hommage à Márai


Maison natale de Márai
(à l'arrière-plan la cathédrale Ste Elisabeth)

Košice (aujourd'hui en Slovaquie), ville natale de Sándor Márai est cette année, avec Marseille,  capitale européenne de la culture.

L'ancienne Kassa (Kaschau pour les allemands, Cassovie pour les français) programme parmi un grand nombre d'événements, une "journée Márai" le 1er octobre 2013.

Dans la présentation (en anglais) de l'événement, la rédactrice reconnait : 
Statue commémorative à Košice (rue Zbrojničná)
"Sándor Márai is definitely the most well known Košice-born person in the world. Despite that, in the cultural area of the city and Slovakia he is still fairly unknown and a little cited persona."  

(Sándor Márai est certainement  la personne née à Košice la plus célèbre dans le monde. Malgré cela il est pratiquement inconnu dans la sphère culturelle de la cité et en Slovaquie et une personnalité peu citée.)
Il est assez étonnant que plus loin dans cette information la journaliste présente Sándor Márai comme un "globe-trotter" sans dire qu'il a passé la moitié de sa vie en exil forcé !

dimanche 2 juin 2013

A propos de Márai et Krúdy


A l’occasion de la parution de Sindbad torna a casa, traduction en italien de Szindbád hazamegy de Sándor Márai (voir message du 21 mai), voici, avec l’aimable autorisation de M. Ákos Cseke de l’université Pázmány de Budapest, quelques extraits de sa communication au colloque sur Sándor Márai (avril 2010) reprise dans La fortune littéraire de Sándor Márai (Editions des Syrtes ; voir sur ce blog le message du 24 septembre 2012).


... Nous avons, d'un côté, un auteur ignoré de la plupart des Français [Krúdy], une œuvre intraduisible, que seuls les Hongrois ont le privilège de pouvoir véritablement comprendre, et, de l’autre, un roman que notre écrivain [Márai] consacre à cet auteur mystérieux, dont il imite les thèmes et le style, parfaitement insaisissables au lecteur français faute de traduction et faute pour lui de ressentir cette tristesse éminente des Hongrois dont parle Márai.

Mais ce n'est pas tout : les difficultés de la traduction commencent dès la traduction du titre, avec le mot hazamenni, qu'on traduit par « rentrer chez soi » ou « retourner », mais qui renvoie aussi à l'idée de la mort et de l'agonie. Comme il s'agit de la dernière journée de la vie de Sindbad, le verbe hazamegy signifie tout simplement « mourir ». Le nom de Sindbad pose également problème. En effet, si un lecteur français entend parler de Sindbad, il pense à coup sûr au héros des Mille et une nuits, or le Sindbad en question n'a a rien à voir avec ces contes arabes. Pour un lecteur hongrois, il est évident que Sindbad, c'est Krúdy lui-même ou un Krúdy vu par Márai, puisque Sindbad est le héros de plusieurs œuvres de Krúdy et que Márai, dans son roman, identifie Krúdy avec son héros, lequel héros, en dehors de son nom, n'a rien de commun avec le voyageur oriental.

Couverture de l'édition hongroise
montrant Krúdy à sa fenêtre
… Plus qu'un roman sur Krúdy, Szindbád hazamegy — que je traduis par Sindbad rentre — est un roman sur la Hongrie, ce pays « triste dans son cœur[1]  », un roman sur le peuple magyar, sur ses rêves, mais aussi sur les estomacs hongrois et les panses hongroises, sur les lieux magiques de l'ancien Budapest, sur les rues et les maisons d'Óbuda, sur les cafés et les bains budapestois, sans oublier les écrivains contemporains de Krúdy et de Márai. C'est tout un monde qui se dessine, un monde qui, comme le dit Márai, n'est connu que de deux êtres : Dieu et Gyula Krúdy.

Sindbad rentre reste un roman incontournable, qui appelle à l'analyse du rapport entre ces deux auteurs hongrois. Pour Márai, Krúdy n'est pas un auteur quelconque ni simplement l'un de ses auteurs préférés : Gyula Krúdy est l'écrivain par excellence, le plus grand écrivain du xxe siècle. Ce ne sont pas des paroles en l'air. D'après son journal de 1989, Krúdy est le seul écrivain qu'il pouvait encore lire à la fin de sa vie, quand il en avait assez de toute la littérature. Krúdy, pour lui, est quelque chose d'unique, d'intime ; c'est une relation amoureuse.


mardi 21 mai 2013

Sindbad torna a casa

Pour celles et ceux qui lisent l'italien, signalons la parution récente de "Sindbad torna a casa" traduction par Marinella d'Alessandro de "Szindbád hazamegy". Ce roman que Sándor Márai écrivit en 1940, est un hommage à Gyula Krúdy écrivain du début du 20ème siècle que Márai vénérait comme un maître et qui tout au long de sa vie avait périodiquement écrit des romans autour du personnage de Sindbad, un véritable double de lui-même.
 
Extraits de la présentation :


* le personnage représenté sur la couverture
n'est pas Krúdy, mais Zoltán Latinovits
dans le film "Szindbád" de Zoltán Huszárik (1971)
... in una mattina di maggio, Sindbad esce dalla sua abitazione nel sobborgo di Óbuda con l'intenzione, una volta tanto, di tornare presto e provvisto di denaro e regali per la figlia e la moglie ... Ma dopo aver ceduto alla tentazione di salire su una carrozza pubblica – una delle ultime –, i buoni propositi cominciano impercettibilmente a svaporare ... E come in sogno, lasciandosi scivolare in una morbida flânerie, Sindbad rivisita quel mondo scomparso vagabondando e indugiando nei luoghi che ancora ne conservano le tracce: dal bagno turco, dove «Occidente e Oriente si confondevano nella nebbia bollente», ai caffè – «pacifiche isole della solitudine, della meditazione, della memoria e dei passatempi silenziosi» –, a uno di quei ristoranti dove ancora si avverte, «nel profumo dello spezzatino e nell'acidulo odore di birra», la sensazione di vita che pervade l'ungherese allorché legge i grandi poeti nazionali. Per imboccare infine la via di casa solo verso l'alba – prendendo congedo, forse per sempre, da quella città dove tutto pare dimezzato, «come se il piccone del tempo avesse demolito il nobile, prestigioso edificio del passato».
 

Buste de Gyula Krúdy à Óbuda
... un matin de mai, Sindbad sort de chez lui dans le faubourg d'Óbuda avec l'intention pour une fois, de revenir vite, bien pourvu d'argent et de cadeaux pour sa fille et pour sa femme ... Mais après avoir cédé à la tentation de monter dans un fiacre publique – un des derniers – ses bonnes résolutions commencent doucement à s'évaporer ... Et comme dans un rêve, se laissant glisser dans une douce flânerie, Sindbad, dans un vagabondage hésitant, revisite ce monde disparu dans les lieux qui en conservent encore la trace : depuis le bain turc où "l'Occident et l'Orient se confondaient dans un brouillard brûlant" jusqu'aux cafés – "ces îles pacifiques de la solitude, de la méditation, de la mémoire et des passe-temps silencieux" – ou à l'un de ces restaurants où se perçoit encore, "dans le parfum du ragoût et l'odeur acidulée de la bière", la sensation de vie qui envahit le hongrois lorsqu'il lit les grands poètes nationaux. Pour finir par prendre le chemin de la maison seulement au petit matin – prenant congé, peut-être pour toujours, de cette ville où tout parait coupé en deux, "comme si la pioche du temps avait démoli l'édifice noble et prestigieux du passé".

mardi 30 avril 2013

LA GITANE


La gitane aux pièces d’or tressées autour du cou et une rose rouge dans ses boucles noires sauvages, dit encore ceci :
 
— Mes parents se faisaient toujours du souci pour moi  et m’ont mise en garde contre les gens qui possédaient une maison et vivaient constamment au même endroit. Nous avions une jolie roulotte verte et un cheval. Mon père était un homme très distingué avec une veste à boutons d’argent, et nous dormions chaque nuit devant une ville nouvelle. Chez nous chacun avait appris un métier, je dansais et divertissais les messieurs, mon frère était avaleur de sabres et cracheur de feu, les cousins faisaient des briques et tiraient les cartes. Ainsi vivions-nous dans des conditions ordonnées, réglées, stables, dans une tente. Pourtant mon père le Voïvode nous parlait souvent de méchantes gens qui habitaient dans des maisons en pierre et qui enlevaient de gentils enfants tziganes, les obligeaient à exercer toutes sortes de métiers abominables, les tourmentaient et contre leurs dispositions les forçaient à apprendre quelque tour de force, par exemple aux filles à se marier et aussi exiger de gitans plus âgés la preuve de leur nationalité. Et qu’il faut être très prudent dans ce monde, car il grouille tellement de gendarmes qui rôdent
 
disait-elle avec un profond soupir.
Extrait de "Poivre et sel", troisième partie de "Ciel et terre"
d'après la traduction en allemand d'Ernö Zeltner


vendredi 5 avril 2013

Márai mobilisé pour Krúdy

Buste de Krúdy à Obuda

Albin Michel "sort" un roman de Gyula Krúdy et fait appel à Sándor Márai pour sa promotion.
Sur le bandeau du roman "L'affaire Eszter Solymosi" qui vient de paraître figure une citation de Sándor Márai : "Gyula Krúdy est un géant". Il semble bien en effet que c'était l'écrivain hongrois le plus admiré par Márai.
Et puis la traductrice en français, Catherine Fay, est aussi celle des derniers romans de Márai publiés chez Albin Michel, qui doit d'ailleurs nous en fournir cet automne un nouveau titre.
.

dimanche 24 mars 2013

Márai au Salon du Livre 2013



Au Salon du Livre sur le stand de la Hongrie, une table était consacrée à Márai, présentant la plupart de ses oeuvres traduites en français et le récent ouvrage critique "La fortune littéraire de Sándor Márai", ouvrage collectif sous la direction d'András Kányádi, maître de conférences à l'INALCO.







de gauche à droite : Catherine Fay, Gabrielle Napoli et András Kányádi


Une table ronde sur
"L'univers captivant de Sándor Márai" a permis également aux visiteurs du stand de profiter des riches échanges entre
Catherine Fay traductrice de plusieurs romans de Márai et
András Kányádi débats animés par
Gabrielle Napoli docteur en littérature comparée.

lundi 18 mars 2013

Au Salon du Livre 2013

Le Salon du livre 2013 se tient du vendredi 22 mars au lundi 25 mars compris,
à la Porte de Versailles à Paris (information : www.salondulivreparis.com).

Au stand de Hongrie (N° X 70) un programme riche attend tous ceux qui s’intéressent à la littérature, à l’histoire, à l’art, à la langue et à la civilisation hongrois.

Parmi les nombreuses manifestations, deux font référence à Sándor Márai :

 le vendredi 22 mars de 16h à 17h, salle Pégase

Y-a-t-il une vie après Márai ? – Coup de projecteur sur la littérature hongroise

La littérature hongroise a de beaux jours derrière elle en France: après la vague Krúdy, Márai, Bánffy ou Krasznahorkai et le beau succès de Péter Nádas qui va être l’auteur suivant à découvrir ? Quelles sont les pistes à explorer ? Traduction, auteurs, traducteurs, maisons d’édition – état des lieux avec des experts, universitaires et traducteurs.
Table-ronde avec la participation de François Soulages (professeur d’université, Université Paris 8) et Mihály Szegedy-Maszák (professeur d’université, membre de l’Académie des Sciences de Hongrie).
 



 le dimanche 24 mars de 11h à 12h, sur le Stand de Hongrie (No : X 70)

L’univers captivant de Sándor Márai

A l’occasion de la récente parution du recueil d'essais dirigé par András Kányádi sur l’oeuvre de Márai (La Fortune littéraire de Sándor Márai, Éditions des Syrtes 2012) et de celle d’un roman traduit par Catherine Fay (Les étrangers, Albin Michel 2012), les participants évoqueront l’oeuvre du grand romancier hongrois redécouvert par le public français il y a vingt ans.

Table-ronde avec la participation de Catherine Fay (traductrice) et d’András Kányádi (maître de conférences à l’INALCO et rédacteur du recueil La Fortune littéraire de Sándor Márai, 2012). Débat animé par Gabrielle Napoli (docteur en littérature comparée).

vendredi 1 mars 2013

La soirée littéraire à l''Institut Hongrois autour de "La fortune littéraire de Sándor Márai"


Le 13 février a été présenté à l'Institut Hongrois, "La fortune littéraire de Sándor Márai" ouvrage collectif publié récemment par les Editions des Syrtes, qui reprend pour sa majeure partie les contributions qui avaient été présentées à un colloque en avril 2010 dans ce même institut. Jean-Léon Muller enseignant chercheur à l'INALCO auteur d'une des contributions et András Kányádi qui a dirigé la rédaction de l'ouvrage en le complétant d'une introduction particulièrement riche, de repères biographiques et de bibliographies ont présenté l'ouvrage. Ils en ont exposé les différentes parties et les problématiques qui les sous-tendent : de la manière dont l'oeuvre de Márai a été redécouverte et traduite ou retraduite en occident à la fin des années 90, à la position singulière de Márai lui-même, du succès à l'exil avec les difficultés liées aux multiples éditeurs de ses oeuvres jusqu'aux influences qu'il a pu subir ou rechercher à travers des oeuvres d'autres auteurs.
Puis un échange avec le public manifestement acquis à Sándor Márai permit de préciser divers aspects de l'oeuvre et de la personne de l'écrivain.
Une soirée très réussie, dont la deuxième partie, la projection d'un film adapté de la pièce Kaland (Aventure), n'a malheureusement pas pu être présentée, suite à des problèmes techniques, mais l'Institut nous a promis que ce n'était que partie remise.

mardi 29 janvier 2013

dimanche 27 janvier 2013

Présentation de "La fortune littéraire de Sándor Márai" à l'Institut Hongrois


Le 13 février prochain, à 19h, dans le cadre du
"mercredi des bouquins" de l'Institut hongrois,
Jean-Léon Muller, traducteur, chercheur à l'INALCO et
András Kányádi, maître de conférences à l'INALCO
présenteront le recueil d'essais
La Fortune littéraire de Sándor Márai,
Éditions des Syrtes, 2012

(ouvrage dont András Kányádi a dirigé l'édition)
 
Cette présentation sera suivie à 20h30 
de la projection du film
"L'aventure" (Kaland)
de József Sipos en présence du réalisateur.
  Ce film est une adaptation cinématographique d'une pièce de Sándor Márai de 1940 (à l'époque où il écrivait La conversation de Bolzano et les deux premières parties de Métamorphoses d'un mariage)
 
Institut hongrois, 92 rue Bonaparte, Paris 6ème
Entrée libre - Réservation souhaitée


pour en savoir plus

voir sur le site de l'Institut hongrois http://www.instituthongrois.fr/fr/programmes/thetrelitterature/573-litterature-1302-a-19h

voir aussi ma critique du livre (message du 24 septembre dernier)

dimanche 13 janvier 2013

Celle qui entre


Cette femme ne savait rien faire d’autre que d’entrer. Elle entrait – par la porte d’une salle de réception et au milieu des gens, ou dans une baignoire, ou au lit où son amant l’attendait – comme un grand chanteur arrive sur la scène, comme le pape dans la salle du trône, où il reçoit l’hommage des délégations des croyants de ce monde, comme un chef de guerre pénètre dans la ville conquise, où des bourgeois barbus, pâles lui présentent aussitôt les clés sur un coussin de soie. C’est ainsi qu’elle entrait. Elle apparaissait sur le seuil ou prenait place au lit, et les témoins étaient remplis d’un sentiment d’attente solennelle. Mais alors, tandis que disparaissait la magie de l’entrée, il ne s’en suivait plus rien. Avec l’entrée elle avait tout dit et tout fait, de ce qu’elle savait dire et faire dans la vie. Et alors elle était simplement assise ou allongée ou conversait. Elle avait couvert le monde une fois pour toutes. Son travail était fait, elle n’avait pas d’autres tâches, elle aurait aussi bien pu mourir, car elle avait déjà fait son entrée.
Extrait de "Ciel et terre"
d'après la traduction en allemand d'Ernö Zeltner